Le père d'Estrianne vivait comme maître d'écuries à Bourrasque pour le compte du Duc de Faucon. La mère d'Estrianne était morte suite à une maladie lors d'un hiver glacial, alors que la demie-elfe avait cinq ans. Elle avait donc été principalement élevée par son père. Il lui avait enseigné l'art de prendre soin des bêtes et des écuries, mais aussi l'équitation, ainsi que des rudiments de combat au sabre. Elle avait appris à lire, à écrire, à compter. Jamais elle n'avait manqué d'attention ni d'affection de la part de son père. Toutefois, elle avait bien remarqué la mélancolie qui l'habitait. Elle-même se sentait plus elfe qu'homme, mais elle ne ressentait pas ce besoin de voyager, rejoindre une communauté nomade. Elle ne pouvait donc savoir ce qu'il ressentait vraiment. Mais elle n'avait osé lui dire, de peur de le décevoir.

Lorsqu'Estrianne eut dix-neuf ans, son père lui recommanda de trouver une troupe d'Elfes à rejoindre, car ayant jusque-là passé toute sa vie au château, elle devait à présent connaître le nomadisme. La jeune fille accepta, se disant que peut-être cela éveillerait un peu plus son côté elfique. Elle s'enfonça dans les Collines du nord, et rejoignit une joyeuse bande d'Elfes de tous âges. Elle resta en leur compagnie pendant un an, et fit connaissance avec la joie de vivre des Elfes. Elle participait volontiers aux danses et aux chants et veillait tard la nuit. Mais elle finit par se lasser de sans cesse voyager et rentra à Bourrasque. Elle s'était pourtant fait de nombreux amis, et leur avait promis de revenir les voir un jour.

De retour au château, il lui fallut trouver du travail. Elle ne pouvait toute sa vie vivre aux dépends de son père, même si celui-ci avait encore des choses à lui apprendre. Elle fut d'abord employée comme palefrenier, mais fut repérée par le capitaine de la garde alors qu'elle s'entraînait à l'épée avec son père. Son agilité et sa dextérité lui rendait l'exercice facile, mais ce n'était en réalité pas ce qu'elle préférait. Elle n'attaquait d'ailleurs que rarement, et préférait se borner à parer les coups de son père. Le capitaine remarqua néanmoins son adresse, et lui demanda de rejoindre ses rangs. Poussée par son père, elle finit par accepter. Elle suivit donc un entraînement et fut assignée à la garde du château – tâche fort peu contraignante en ces temps de paix. Elle vécut ainsi tranquillement, profitant de ses périodes de permissions pour revoir ses amis elfes.

Lorsque le déluge survint, elle se trouvait justement dans les Collines. Elle voulut rejoindre son père à Bourrasque, mais les autres Elfes lui conseillèrent de rester sur les hauteurs. La ville se situait certes en haute montagne, mais rien ne garantissait que le chemin d'ici là serait aisé. Elle attendit donc en compagnie des autres Elfes la fin du déluge. Puis elle apprit par de nouveaux arrivants que des ouragans étaient passé sur la capitale du Duché de Faucon et qu'une grande partie de la ville avait été ravagée. Folle d'inquiétude, Estrianne ne put attendre une seconde de plus et partit pour Bourrasque. Là-bas, elle apprit que le château du Duc avait été épargné, et retrouva son père en pleine santé. Soulagée, elle reprit ses fonctions au sein de la garde du château, s'excusant de son retour tardif.

La nouvelle de la mort du roi Lah-Eth parvint à Bourrasque quelques temps plus tard. Cependant, celle de la proclamation de la nouvelle reine Chymerh n'arriva pas immédiatement à leurs oreilles, et Estrianne entendit tout d'abord parler des Astar et des Rost Delnas. Le mode de vie des Astar lui sembla proche de celui des troupes d'Elfes nomades, et elle souhaita les voir de ses propres yeux. Elle n'osa expliquer les véritables raisons de son départ à son père, qui semblait opposé à ces systèmes émergents, et laissa simplement entendre qu'elle rejoignait ses amis dans la Forêt de Feuillus ; puis elle partit en direction des ruines de Grêle, plus au sud dans les montagnes.